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Si­nos­si Il Corpo e il Senso (Dopo La Psi­co­so­ma­ti­ca) [1]


Pour­quoi l’éter­nel pro­blème corps-​esprit, le fa­meux MBP (mind body pro­blem), accompagne-​t-il tout le voyage de la pen­sée oc­ci­den­tale? 

Est-​ce que c’est un thème sans li­mites qui com­mence avec la re­la­tion entre l’âme et le corps, un nœud cru­cial qui ren­voie à une série in­fi­nie de ques­tions d’im­por­tance fon­da­men­tale si­tuées bien au-​delà de la re­la­tion corps-​esprit en elle-​même? 

La ques­tion fon­da­men­tale du pro­blème n’a ja­mais été ré­so­lue. 

Pour­tant beau­coup ont es­sayé de le faire. 

Cer­tains cher­cheurs sup­posent que les évé­ne­ments men­taux ne sont que quelque chose qui se passe en nous, dans notre corps, en étroit lien avec des évé­ne­ments cor­po­rels. 

D’autres pré­tendent que le corps et l'es­prit se­raient iden­tiques et qu’ils au­raient la même sub­stance : seule leur ap­pa­rence se­rait dif­fé­rente.  

D’autres en­core pré­tendent que les deux pro­ces­sus, l’or­ga­nique et le men­tal, se­raient to­ta­le­ment dif­fé­rents, tout en se dé­rou­lant sans cesse en­semble. 

Nous sommes confron­tés à un nombre in­fi­ni d’hy­po­thèses qui se suc­cèdent sans que l’on puisse par­ve­nir à une so­lu­tion. 

Es­sayons d’en­vi­sa­ger l’hy­po­thèse do­mi­nante au­jour­d’hui, le mo­nisme on­to­lo­gique, à tra­vers le dua­lisme concep­tuel : les phé­no­mènes phy­siques et men­taux ne se­raient dif­fé­ren­ciés que d’un point de vue concep­tuel, en pen­sée et en pa­role : nous les re­trou­vons tou­jours en­semble dans la réa­li­té exis­tante, comme s’ils fai­saient par­tie d'une unité an­cienne (l'uni­té corps-​esprit, avec le trait d'union). 

En y ré­flé­chis­sant bien: quelle est cette unité? A quel ni­veau se trouve-​t-il ce sup­po­sé objet soi-​disant unique que la pen­sée oc­ci­den­tale au­rait scin­dé? Qu’est-​ce que ça si­gni­fie?  Il se­rait fa­cile de ré­pondre qu’il s’agit de quelque chose d'im­pen­sable. 

En plus, en sup­po­sant que nous puis­sions sé­rieu­se­ment trou­ver la cor­res­pon­dance réelle entre les phé­no­mènes men­taux et cor­po­rels, quelle est cette cor­res­pon­dance? Nous sa­vons bien que la re­la­tion entre un état phy­sique et un état psy­chique n’est ni conti­nue ni simple. 

Est-​ce que les cher­cheurs qui suivent auraient-​ils ré­so­lu le pro­blème de fond du MBP?:

Pro­fes­seur et di­rec­teur de re­cherche à l'Ins­ti­tut Der­ner de l'Uni­ver­si­té Adel­phi à New York, Bucci est une psy­cha­na­lyste qui a ac­com­pli un très riche voyage de re­cherche pour élar­gir les ho­ri­zons de la psy­cha­na­lyse freu­dienne par rap­port au conte­nu des neu­ros­ciences et des sciences cog­ni­tives (1997, «Psy­cha­na­lyse et sciences cog­ni­tives» Roma: Gio­van­ni Fio­ri­ti, 1999). 

Si son mo­dèle, ap­pe­lé "théo­rie des codes mul­tiples”, ap­pa­raît d'une part, comme une sorte d'ap­pro­fon­dis­se­ment de la dif­fé­ren­cia­tion freu­dienne des pro­ces­sus pri­maire et se­con­daire, de l'autre, il s'en éloigne pro­fon­dé­ment. Bucci sou­tient que les concepts de pro­ces­sus pri­maires et se­con­daires, bien qu'im­por­tants parce qu'ils ont jeté les bases d'un mo­dèle de pen­sée psy­cho­lo­gique sys­té­ma­tique, exigent (comme toute la pen­sée de Freud) une re­dé­fi­ni­tion co­hé­rente du contexte à la lu­mière des re­cherches ac­tuelles. Du point de vue des sciences cog­ni­tives, nous pou­vons sur­mon­ter tout dua­lisme pour ar­ri­ver à de mul­tiples mo­da­li­tés d’éla­bo­ra­tion de trai­te­ment. Pour rendre compte des ob­ser­va­tions faites dans le cadre cli­nique, ainsi que de tous les as­pects du trai­te­ment de l'in­for­ma­tion, y com­pris le trai­te­ment de l'in­for­ma­tion émo­tion­nelle tout au long de la vie, voici la théo­rie des «codes mul­tiples», qui sont trois mo­da­li­tés fon­da­men­tales, trois sys­tèmes à tra­vers les­quels les êtres hu­mains éla­borent les in­for­ma­tions, y com­pris les émo­tions, en for­mant les re­pré­sen­ta­tions in­ternes: le mode sous-​symbolique non ver­bal, le mode sym­bo­lique non-​verbal et le mode sym­bo­lique ver­bal. 

L'éla­bo­ra­tion sous-​symbolique concerne tous les sti­mu­li - des sen­ti­ments aux in­for­ma­tions mo­trices et sen­so­rielles non ver­bales - qui sont trai­tés «en pa­ral­lèle»: par exemple, lorsque nous com­pre­nons les émo­tions des autres à tra­vers leur mi­mique, ou lorsque nous écou­tons un mor­ceau de mu­sique, ou en­core, lorsque nous re­con­nais­sons une voix fa­mi­lière dans la confu­sion d'une réunion, ou lorsque nous réa­li­sons un but de tête  en ar­ri­vant sur un cross  au bon mo­ment et à la bonne hau­teur, ou bien en­core, lorsque nous pres­sen­tons le mo­ment de l'in­ter­pré­ta­tion dans une psy­cho­thé­ra­pie. 

L'éla­bo­ra­tion sym­bo­lique non ver­bale concerne plu­tôt les images men­tales (un vi­sage, une mu­sique, une ex­pres­sion ou, comme le chan­taient les Beatles, «So­me­thing in the way she moves at­tracts me like no other woman...») («quelque chose dans la façon dont elle bouge m'at­tire comme au­cune autre femme...») qui, bien que pré­sent à la conscience, ne peut pas être tra­duit en mots. 

Enfin, le mode sym­bo­lique ver­bal concerne l'ins­tru­ment men­tal raf­fi­né à tra­vers le­quel l'in­di­vi­du com­mu­nique son propre monde in­terne aux autres. C'est à tra­vers cette der­nière mo­da­li­té que le sa­voir et la culture se trans­mettent d'un in­di­vi­du à l'autre et d'une gé­né­ra­tion à l'autre. 

Les trois sys­tèmes sont gou­ver­nés par des prin­cipes dif­fé­rents tout en étant  in­ter­con­nec­tés. Notre état de santé dé­pend de la ri­chesse de leurs in­ter­con­nexions. Bucci a dé­fi­ni comme «pro­ces­sus ré­fé­ren­tiel», ce lien com­plexe qui va dans un sens bi­di­rec­tion­nel, des émo­tions aux mots et in­ver­se­ment, et a dé­ve­lop­pé des ou­tils d'éva­lua­tion de l’ac­ti­vi­té ré­fé­ren­tielle.

Il me semble que avec le mo­dèle de « code mul­tiple », tout en fai­sant face au MBP mieux que d’autres (en fait, grâce aux sys­tèmes sym­bo­liques et sous-​symboliques, nous ne par­lons plus d’es­prit et de corps), en réa­li­té nous conti­nuons à trai­ter le pro­blème de la ma­nière ha­bi­tuelle, ab­so­lu­ment dua­liste. Bien que ce soit un mo­dèle sug­ges­tif, je ne pense pas que nous puis­sions ré­soudre le saut entre sym­bo­lique et sous-​symbolique de ma­nière ex­haus­tive. Le saut est l'ef­fet se­con­daire de notre façon d'écrire l'ex­pé­rience,  

il n’existe pas par lui-​même. 

Nous conti­nuons à nous poser le pro­blème de la même ma­nière, en nous de­man­dant si l'es­prit et le corps sont des en­ti­tés qui jadis étaient unies en un seul objet, que la pen­sée Oc­ci­den­tale a di­vi­sé (et doivent donc être réunies) ou, s’il s’agit d’en­ti­tés sé­pa­rées et  telles doivent res­ter . 

La ques­tion se pose: est-​ce que ces en­ti­tés com­mu­niquent entre elles oui ou non. Maintes fois on en­tend dire que l'es­prit et le corps s'in­fluencent, ils se parlent. Au­jour­d'hui on en­tend sou­vent ré­pondre : que bien sûr oui, ils se parlent par des hor­mones ! 

Cela a été dé­mon­tré par le prix Nobel de mé­de­cine Kan­del: l’en­vi­ron­ne­ment, les re­la­tions et les mots in­fluencent le tro­phisme des sy­napses entre les cel­lules ner­veuses.

Kan­del, neu­ros­cien­ti­fique qui a reçu le prix Nobel en 2000, a mon­tré de façon spec­ta­cu­laire comme les ex­pé­riences de­viennent (aussi) des struc­tures bio­lo­giques. Et ainsi, il au­rait com­blé le gap es­prit (en­vi­ron­ne­ment), corps. L'ac­ti­va­tion conti­nue des cel­lules à cer­taines jonc­tions neu­ro­nales dé­clenche en fait des mé­ca­nismes gé­né­tiques cel­lu­laires qui fa­vo­risent la crois­sance de sy­napses sup­plé­men­taires aux mêmes jonc­tions. C'est-​à-dire que les cel­lules ner­veuses se dé­ve­loppent et se connectent entre elles grâce à des sy­napses ac­ti­vées en per­ma­nence par des sti­mu­li en­vi­ron­ne­men­taux (en­trées en­vi­ron­ne­men­tales). Et le degré et le plai­sir de l'ac­ti­vi­té ont en soi un effet tro­phique. 

De cette façon, la pa­role peut fa­vo­ri­ser l’ex­pres­sion pro­téique de gènes qui, en in­fluen­çant les ca­naux io­niques pré­sy­nap­tiques, mo­di­fient la fonc­tion­na­li­té des zones ner­veuses im­pli­quées, le nombre et la puis­sance des sy­napses. La pa­role, à tra­vers les émo­tions qu'elle évoque, mo­di­fie la struc­ture et les fonc­tions des zones ner­veuses im­pli­quées, grâce à la plas­ti­ci­té sy­nap­tique. Et quand une zone du corps change, tout le corps change. 

Par consé­quent, si nous res­tons sur le plan bio­lo­gique, nous pou­vons dire que le mot et les af­fects qu’il vé­hi­cule in­fluencent le corps, tout comme cer­taines drogues le font, de façon plus ra­pide mais moins du­rable. 

Tout à fait vrai, tant que nous res­tons dans le contexte dua­lisme / mo­nisme (in­so­luble), du cau­sa­lisme, bref, d’une cer­taine lo­gique. Mais, lorsque nous en­trons dans une lo­gique dif­fé­rente, cer­taines ob­ser­va­tions s’im­posent. 

Per­son­nel­le­ment, je m’éloigne de ceux qui rai­sonnent de cette façon, af­fir­mant que le saut esprit-​corps est main­te­nant ré­so­lu par cer­taines branches de la mé­de­cine, telles que la psy­cho­neu­roimm­mu­noen­do­cri­no­lo­gie, la science qui au­rait com­blé le fossé en dé­mon­trant que la psy­ché, l'en­vi­ron­ne­ment et le les sys­tèmes bio­lo­giques/le corps s’in­fluencent mu­tuel­le­ment, tout comme je me sens très éloi­gnée de ce ré­duc­tion­nisme ra­di­cal ou éli­mi­na­toire dans le­quel la mé­de­cine pré­tend que l’es­prit est le cer­veau, et la psy­cha­na­lyse, que les vrais éru­dits de l’es­prit ne s'in­té­ressent pas au cer­veau. 

Pour­quoi? 

Pour ré­pondre, j'es­saie de sor­tir du pé­ri­mètre concep­tuel du dua­lisme / mo­nisme  

et de l'idée que l'es­prit et le corps sont deux choses qui existent vrai­ment dans le monde. 

Com­men­çons par le «mot», en­ten­du comme quelque chose d’abs­trait qui in­fluence le  

«concret», les jonc­tions des cel­lules ner­veuses. 

Pour quelle rai­son le mot devrait-​il être abs­trait? 

Pen­ser que la pa­role n'est pas un acte du corps est une façon de pen­ser er­ro­née, une abs­trac­tion qui ignore com­plè­te­ment son évé­ne­ment et cède à la su­per­sti­tion du si­gni­fiant sens, en ou­bliant que la pa­role est née, est ins­crite et pro­cède du corps au corps. 

Pour le dire avec Di­dier An­zieu (et aussi avec des poètes, comme par exemple Rim­baud dans Voyelles), le mot a des qua­li­tés ma­té­rielles et sen­sibles. Le mot comme son est la pre­mière co­quille de l'es­prit, déjà à par­tir de cer­taines phases de la ges­ta­tion du fœtus. Et, comme le confirment à pré­sent plu­sieurs re­cherches, selon une lec­ture sin­gu­lière et sub­jec­tive (ne res­tant donc pas au ni­veau bio­lo­gique), les ré­sul­tats des re­mèdes par­lants ont des ef­fets plus riches et plus du­rables que les seuls me­di­ca­ments psy­cho­tropes. Par­fois, ils ont même des ef­fets plus im­mé­diats et éton­nants: com­bien d’entre nous ont-​ils connu, en tant qu’ana­lystes et en tant que pa­tients, des ren­contres thé­ra­peu­tiques presque ma­giques : ar­ri­vés en ses­sion avec des crampes d’an­goisse et d’es­to­mac, nous en sommes re­par­tis sans dou­leur ni an­xié­té. 

Cela se pro­duit parce que les mots mo­di­fient ce que nous ap­pe­lons la phy­sio­lo­gie cor­po­relle non pas parce qu'ils sont ma­giques, mais pour deux rai­sons fon­da­men­tales. Parce qu'ils sont, comme nous ve­nons de le dire, des évé­ne­ments char­nels au­tant qu'une ac­tion du bras ou une im­pres­sion sen­so­rielle, soit-​elle acous­tique, mo­trice, pho­na­toire in­terne, lorsque nous pro­non­çons un mot en émet­tant un son, ou ex­terne lorsque nous l’écou­tons; il nous est clair que les mots ont une opé­ra­ti­vi­té concrète so­ma­tique. 

Par consé­quent, nous ne voyons pas pour­quoi les mots ne de­vraient pas avoir une opé­ra­ti­vi­té qu’on a l’ha­bi­tude de dé­fi­nir comme concrète, so­ma­tique. 

La deuxième rai­son fon­da­men­tale ré­side dans le fait que nous ne voyons pas pour­quoi les mots ne de­vraient pas être thé­ra­peu­tiques, ne pas avoir af­faire à la vé­ri­té de nos souf­frances. 

Tout cela nous amène à pen­ser qu’on est loin d’être dans le monde idéal de l’es­prit, et que cette vé­ri­té est déjà dis­po­sée, at­tri­buée, à la forme et à la na­ture de notre pré­sence char­nelle dans le monde, bien avant et bien plus pro­fon­dé­ment que toute ab­sur­di­té que nous pou­vons nous ra­con­ter - 

En sui­vant la pen­sée du phi­lo­sophe Carlo Sini et de l’un de ses élèves, le phi­lo­sophe et psy­cha­na­lyste An­drea Boc­chio­la, nous com­pre­nons de n’avoir ja­mais es­sayé de voir de la seule ma­nière sen­sée (c’est-​à-dire en étu­diant sa ge­nèse) le fait que dans le monde existent des corps et des es­prits doués d’une forme pré­cise plu­tôt qu’une autre. Nous ne cher­chons ja­mais à sa­voir s'il existe, der­rière les mots "corps" et "es­prit", des "choses" douées d'une exis­tence in­dé­pen­dante de l'ho­ri­zon de si­gni­fi­ca­tion qui les dé­signe. In­ver­se­ment, sans ré­flé­chir, nous adhé­rons aux neu­ros­ciences, à la psy­cho­lo­gie et / ou à la psy­cha­na­lyse, qui les donnent pour ac­quises. La dis­tri­bu­tion même de ces dis­ci­plines nous ren­voie à une ré­par­ti­tion an­thro­po­lo­gique pré­cise dans la­quelle le corps est at­tri­bué à la neu­ros­cience et à la mé­de­cine, l`es­prit à la psy­cho­lo­gie et le psy­cho­so­ma à la psy­cha­na­lyse. 

 

Loin de l'idée de pou­voir dé­cou­vrir une «réa­li­té en soi» qui existe pour de vrai dans le monde, mais plu­tôt pour com­prendre la gé­néa­lo­gie de nos fa­çons de tra­duire l'ex­pé­rience en mots de bon sens et de théo­ries scien­ti­fiques, je pense que la réa­li­té ne dé­rive que de la ren­contre avec nous, nos ins­tru­ments, nos mo­dèles théo­riques et le lan­gage spé­ci­fique que nous uti­li­sons, c’est-​à-dire, avec notre tra­vail cli­nique, qui est le moyen pour tra­duire l’ex­pé­rience. En de­hors de cette ren­contre, il n'y a rien. 

 

Une pre­mière ques­tion sur­git: com­ment se fait-​il que cette pen­sée au pou­voir di­vi­seur prenne nais­sance en oc­ci­dent et pour­quoi fixe-​t-elle comme sa li­mite le corps et l’es­prit à réunir en un seul objet unique im­pen­sable qui se croit exis­ter pour de vrai. Une sorte d’uni­té in­di­vi­sible (si nous sommes mo­nistes).   

En­suite une deuxième ques­tion: sommes-​nous sûrs de pou­voir ré­soudre le pro­blème corps-​esprit tout en res­tant dans la lo­gique de di­vi­sion de la pen­sée et de la réa­li­té conçue pré­ci­sé­ment comme une unité in­di­vi­sible on­to­lo­gi­que­ment exis­tante? 

 

À ce stade, cer­tains vont s’in­di­gner: c'est de la phi­lo­so­phie! 

Oui, c'est bien de la phi­lo­so­phie, c’est la Pen­sée! 

Quand nous pen­sons, nous réa­li­sons que l’es­prit et le corps cessent d’être des «en­ti­tés» to­ta­le­ment sé­pa­rées (dis­tinctes) qui telles doivent res­ter, ou-​bien (ten­dance plus à la mode au­jour­d’hui), elles doivent être réunies dans un hy­po­thé­tique objet unique, ab­surde, im­pen­sable et in­di­vi­sible.  

L'es­prit et le corps de­viennent alors des «choses» stric­te­ment conte­nues dans les mots que nous uti­li­sons. Elles co­existent à tel point qu'elles ap­pa­raissent comme des sur­faces qui se dé­roulent et s’en­roulent conti­nuel­le­ment, en glis­sant l'une dans l'autre.  

Si elles dis­pa­raissent d'un côté, elles ré­ap­pa­raissent de l'autre. 

De ce point de vue, il est presque im­pos­sible de les dis­tin­guer: elles cessent d'être des choses on­to­lo­gi­que­ment exis­tantes, telles (selon la mode), que les deux faces d'une même mé­daille... Elles de­viennent des mou­ve­ments, des tra­jec­toires se ter­mi­nant conti­nuel­le­ment l'une dans l’autre. Nous ne pou­vons plus pen­ser que l'es­prit et le corps sont di­vi­sés et ont be­soin d'être réunis : il suf­fit de cher­cher les cor­ré­la­tions entre eux.  

Nous ne pou­vons pas non plus pen­ser que le pro­blème soit ré­so­lu, si nous com­men­çons à ré­flé­chir en termes de sys­tèmes (men­tal et cor­po­rel). Lorsque nous ar­rê­tons de cher­cher des cor­ré­la­tions entre deux choses et que nous com­pre­nons que l'es­prit se ré­fère conti­nuel­le­ment au corps et vice-​versa et que les deux «existent» en rai­son de leur dif­fé­rence, nous com­pre­nons éga­le­ment leur ori­gine : ce sont les tra­duc­tions (lin­guis­tiques) de l'ex­pé­rience que nous vi­vons qui vont créer les deux. Les deux ne sont que des pra­tiques d’écri­ture; des fa­çons d'écrire une ex­pé­rience qui concerne le vi­vant, l’homme; des fa­çons de contac­ter ces don­nées, l'homme, par l'homme, et d'es­sayer de l'ex­pli­quer, par le biais d'un ap­pa­reil al­pha­bé­tique et par de types d'ins­tru­ments spé­ci­fiques.

Une cer­taine culture et un cer­tain lan­gage nous portent à consi­dé­rer réel seule­ment ce qui tombe d’une ma­nière ou de l’autre sous le do­maine des cinq sens; cette même culture et ce même lan­gage nous em­mènent à hal­lu­ci­ner une es­pèce de di­vi­sion pro­fonde entre le soi-​disant monde ma­té­riel et le monde abs­trait. 

 

Pen­sons aux ma­la­dies : elles sont phy­siques si, d’une façon ou de l’autre, elles peuvent être per­çues ou me­su­rées, au contraire lors­qu’elles sont in­vi­sibles elles sont psy­chiques.  

Mais même ceci s’avère être une bulle de savon, un piège! La pré­sence ou l'ab­sence de "ma­tière" dé­pend du ni­veau du­quel on ob­serve une struc­ture ou un sys­tème, au­tant que de l’ins­tru­ment par le­quel on les ob­serve.  

En d'autres termes, c'est tou­jours une lec­ture.  

Au­jour­d'hui, par exemple, on peut dire qu'une cer­taine par­tie du spectre au­tis­tique est liée à quelque chose de phy­sique, aux neuro-​médiateurs, car nous avons ac­quis les nou­velles com­pé­tences de lec­ture du monde qu’on ap­pelle jus­te­ment neuro-​médiateurs, ins­tru­ments très so­phis­ti­qués, dont nous ne dis­po­sions pas au­pa­ra­vant. 

Ce n'est ja­mais une ques­tion de tout ou rien, phy­sique ou psy­chique, concret ou abs­trait! 

C’est sim­ple­ment une ques­tion que nous pou­vons dé­fi­nir à l’in­té­rieur d’une ré­fé­rence conti­nue, psy­chique et phy­sique, et in­ver­se­ment, phy­sique et psy­chique; micro et macro, et in­ver­se­ment, macro et micro. Cela ne dé­pend que du point d'ob­ser­va­tion, ou mieux, du mo­ment du glis­se­ment de la bande de Möbius à l’in­té­rieur de la­quelle nous nous si­tuons. Nous le voyons bien dans le livre (et dans la série de livres) «Le corps et le sens. Après la psy­cho­so­ma­tique». 

Le ma­thé­ma­ti­cien Hof­stad­ter a rai­son quand il écrit que nous tra­çons des li­mites concep­tuelles au­tour des en­ti­tés que nous pou­vons per­ce­voir avec plus de fa­ci­li­té, et en ce fai­sant, nous créons la réa­li­té qui est bonne pour nous. 

Nous sommes de pe­tits mi­racles d'auto-​référence, nous croyons aux choses qui se dés­in­tègrent dès que nous com­men­çons à les ex­plo­rer, mais quand nous ne les cher­chons pas, elles sont ab­so­lu­ment réelles.

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Nous sommes ha­bi­tués à pen­ser, âgées et moins âgées, tou­jours tra­di­tio­na­listes, au dua­lisme cog­ni­tif qui suit un mo­nisme on­to­lo­gique: nous conti­nuons à croire à des choses comme l’es­prit et le corps, exis­tant en termes ab­so­lus, et di­vi­sées, qui doivent être réunis. 

Notre pen­sée ne par­vient pas fa­ci­le­ment à chan­ger, elle ne ré­flé­chit pas assez sur le fait que l'es­prit et le corps, in­terne et ex­terne, ne sont pas deux «choses» en elles-​mêmes réelles, déjà consti­tuées, qui doivent être réunies, après la pré­ten­due sé­pa­ra­tion, et d'autre part, quelle que soit la di­vi­sion évi­dente, on n’at­teint ja­mais leur réa­li­té in­di­vi­sible. 

 

Dans la lit­té­ra­ture, nous sommes sou­vent vic­times d’une confu­sion: d’abord et d’une part nous dis­tin­guons, en fon­dant la psy­ché sur le corps; in­ver­se­ment, selon un che­min li­néaire, nous es­sayons d’évi­ter cette dis­tinc­tion en conce­vant psy­ché et corps à l’in­té­rieur de la soi-​disant com­plexi­té (en­ten­due comme une série de di­rec­tions) cau­sa­li­té chao­tique et mul­tiple, même ré­tro­ac­tive; enfin nous es­sayons de les com­bi­ner en une seule chose, exis­tant réel­le­ment. Avec ces hy­po­thèses, il semble que notre pen­sée conti­nue de se heur­ter à des dua­lismes sans fin, qui se ré­fèrent à des mo­nismes ja­mais finis, et vice versa, comme dans une salle aux murs-​miroirs. 

 

Freud lui-​même a posé le pro­blème d'une façon que j'ose dé­fi­nir un peu naïve, voir pro­blé­ma­tique. Si nous y ré­flé­chis­sons, il n’y a, en fait, pas d’in­té­rieur avant que l’or­ga­nisme ne se consti­tue en un seuil sen­sible (le fa­meux seuil PC-​perception/ conscience). "Monde phy­sique ex­terne" et "ap­pa­reil psy­chique" (in­terne) sont des no­tions, pro­duits ou for­ma­tions psy­chiques, au sens d'ob­jets qui n'existent pas vrai­ment, ou plu­tôt, n’existent que s’ils sont  liés au lan­gage et au concept. 

Nous de­vrions donc nous poser le pro­blème d’une autre façon: par où com­men­cer à ex­pli­quer l’ap­pa­reil psy­chique (l’in­té­rieur)?

On pour­rait im­mé­dia­te­ment ob­jec­ter, comme l’af­firme Carlo Sini, que ce ne sont que les fous qui confondent les choses avec les mots! 

On pour­rait dire que tout le monde sait que le lan­gage fait al­lu­sion à la réa­li­té! 

En de termes simples, cette ob­jec­tion est fausse et dé­coule de la confu­sion ha­bi­tuelle et conti­nue: nous confon­dons le fait de sa­voir que, en par­lant, nous fai­sons al­lu­sion à la réa­li­té (qui existe réel­le­ment en de­hors de nous) en ne connais­sant pas ce que le mot dé­signe comme "réa­li­té", ou bien ce qui est dif­fé­rent du mot, y com­pris le mot "réa­li­té".

En ré­flé­chis­sant sur le fait que le lan­gage psy­cha­na­ly­tique n’est rien d’autre qu’une tra­duc­tion et une in­ter­pré­ta­tion, il ap­pa­rait clair que les choses en soi n’existent pas pour de vrai : la li­bi­do, le rêve les auto re­pré­sen­ta­tions oni­riques. 

Conti­nuer à croire que le lan­gage fait al­lu­sion à la réa­li­té ap­pa­rait for­te­ment pré­lo­gique ou du moins très naïf.  

D’un autre côté, les sciences exactes aussi (comme elles étaient au­tre­fois dé­fi­nies) uti­lisent ce même lan­gage vi­sion­naire. 

Pre­nons l’exemple de la mé­de­cine: elle parle d’évè­ne­ments, ra­conte l’ex­pé­rience en cours par son lan­gage spé­ci­fique: elle me­sure, construit, tra­duit avec ses signes: tra­cés d’l’élec­troen­cé­pha­lo­gramme, élec­tro­car­dio­gramme, images RX, CT, Ré­so­nance Ma­gné­tique Nu­cléaire.

Pour­quoi la mé­de­cine et la psy­cha­na­lyse peuvent-​elles aller de pair dans la lec­ture de la réa­li­té ? (Pour­quoi est-​il utile d'être bi­lingues ?):

Ré­flé­chis­sons aux chan­ge­ments phy­siques du som­meil pa­ra­doxal (som­meil REM, rapid eye mou­ve­ment). La forte chute de tonus mus­cu­laire nous em­pêche de nous échap­per du rêve, car on de­vient im­puis­sant sur le plan mo­teur. Nous ne sommes pas en me­sure de sor­tir du lit et par­tir, sauf en cas de som­nam­bu­lisme. 

Es­sayons main­te­nant de ras­sem­bler la don­née de l'hy­po­to­nie mus­cu­laire sou­daine (la chute du tonus) et ces pe­tits rêves ré­cur­rents d'an­goisse que nous fai­sons tous à l’en­dor­mis­se­ment, lorsque nous nous sen­tons sou­dai­ne­ment tom­ber dans le vide d’un gouffre. 

A ce stade nous ne pou­vons plus sé­pa­rer la chute de tonus mus­cu­laire en tant que don­née mé­di­cale dé­fi­nie phy­sique, de ses ré­per­cus­sions à ni­veau sen­so­riel, tra­duites en proto images : la don­née uni­ver­selle de la mé­de­cine, de la don­née spé­ci­fique, de cette an­goisse qu’on in­ter­prète en psy­cha­na­lyse. 

 

Il me semble qu’en cours d’un trai­te­ment psy­cha­na­ly­tique, le fait que j’in­ter­prète l’ex­pé­rience de perte-​chute pré­sente dans le conte­nu oni­rique du rêve d’an­goisse, sans consi­dé­rer les don­nées « bio­lo­giques » (la chute uni­ver­selle du tonus mus­cu­laire), est une ac­tion du moins in­com­plète et in­cor­recte. 

Ima­gi­nons alors de ras­sem­bler ces deux don­nées. 

Com­ment? 

Les im­pres­sions sen­so­rielles liées à la chute du tonus mus­cu­laire convergent dans un conti­nuum - elles ne peuvent donc pas être sé­pa­rées des images oni­riques de fall-​jump, avec leurs ex­pé­riences émo­tion­nelles et af­fec­tives, dif­fé­rentes dans chaque rêve et pour chaque rê­veur. 

Ima­gi­nons les images "men­tales" et leurs ex­pé­riences af­fec­tives comme un "en­tre­la­ce­ment" de don­nées "cor­po­relles" (im­pres­sions sen­so­rielles), et les don­nées cor­po­relles comme une ex­ter­na­tion "des" es­prits ". Es­sayons main­te­nant de suivre ces don­nées, et de pré­ci­sé­ment les conce­voir dans leur ré­ci­pro­ci­té et spé­cu­la­ri­té conti­nues, comme sur une bande de Möbius :  les sen­sa­tions liées à la chute du tonus mus­cu­laire, à me­sure qu'elles de­viennent in­ternes, se trans­forment en per­cep­tions, images de chute / perte, qui, en s'ex­té­rio­ri­sant, se trans­forment à nou­veau en sen­sa­tions «phy­siques». 

Comme sur un ruban qui s'en­roule puis se dé­roule et s’en­roule à nou­veau, de ma­nière conti­nue.

Dans quel sens doit-​on conti­nuer à sou­te­nir qu'une pa­tho­lo­gie se nour­rit de causes gé­né­tiques (in­ternes), plu­tôt que de causes uni­que­ment en­vi­ron­ne­men­tales (ex­ternes)? 

De plus : existe-​t-il vrai­ment des "causes" telles que nous les avons tou­jours conçues? 

Pre­nons l’exemple d’une pa­tho­lo­gie très ré­pan­due : la dé­pres­sion, ma­la­die de la tra­di­tion psy­cha­na­ly­tique ab­so­lu­ment «men­tale», sur la­quelle les éru­dits de dif­fé­rentes dis­ci­plines. se sont tou­jours pen­chés  

Un livre, "La ma­la­die an­glaise" (Si­mo­naz­zi, 2004, Roma: Il Mu­li­no) ra­conte comme un pro­blème alors gé­né­ra­le­ment conçu comme mé­di­cal - la mé­lan­co­lie - était l’un des désordres les plus ré­pan­dus dans les îles bri­tan­niques entre les XVe et XVIIe siècles - et a sou­le­vé un débat im­pli­quant non seule­ment les mé­de­cins, mais aussi les théo­lo­giens, les écri­vains, les phi­lo­sophes et les mo­ra­listes. Le livre aborde éga­le­ment le sta­tut scien­ti­fique de la mé­de­cine, ses re­la­tions avec la re­li­gion et la magie, la re­la­tion entre l'âme et le corps, la fonc­tion des pas­sions, la pos­si­bi­li­té de les contrô­ler par la rai­son, la re­la­tion entre le pro­ces­sus de ci­vi­li­sa­tion et les ma­la­dies. 

Es­sayons main­te­nant d’ima­gi­ner ce qui se passe dans le corps du point de vue de la mé­de­cine, lorsque on est dé­pri­mé. 

Il existe une al­té­ra­tion constante de cer­tains neu­ro­pep­tides, avec les dou­leurs dites so­ma­to­formes, qui sont des dou­leurs or­ga­niques “fonc­tion­nelles". 

Cela nous ren­voie à un lien entre hu­meur dé­pres­sive et dou­leurs fonc­tion­nelles avec le mé­ta­bo­lisme al­té­ré de ces neu­ro­pep­tides. 

La grande ques­tion est la sui­vante: à quoi sert-​il de le sa­voir? 

Il est né­ces­saire que les psy­cha­na­lystes évo­luent vers un "hors sens", car le dis­cours sur "l'al­té­ra­tion des neu­ro­pep­tides", au début ne dit rien, déso­riente, ne fait pas par­tie du 

Jar­gon, donc pour es­sayer d'élar­gir le sen­ti­ment "avec", pour es­sayer d'élar­gir la com­pré­hen­sion "avec", pour pra­ti­quer ce nou­veau dis­cours, il faut com­prendre que ce dé­dou­ble­ment lin­guis­tique per­met de se pous­ser vers des iden­ti­fi­ca­tions "à la li­mite" avec ce corps ma­lade. Le fait de réunir deux lan­gages per­met d’ima­gi­ner que les dou­leurs « or­ga­niques » dont le pa­tient conti­nue de se plaindre, sont si in­ti­me­ment re­liées, dans une ré­ver­si­bi­li­té conti­nue, avec une al­té­ra­tion de mo­lé­cules neu­ro­pep­ti­diques et de cir­cuits élec­triques par­ti­cu­liers, qui finit par de­ve­nir spon­ta­né­ment de plus en plus pen­chée, du moins dans son aver­tis­se­ment si­len­cieux, sur la char­na­li­té du sens et sur la si­gni­fi­ca­tion du corps. 

Là où il y a un phé­no­mène à in­ter­pré­ter sur la base du trans­fert et de l'his­toire du pa­tient, il y a aussi, in­ex­tri­ca­ble­ment, une mé­ta­mor­phose du corps, qui re­pré­sente la même his­toire. 

Avoir cela à l'es­prit, si­gni­fie être un ana­lyste bi­lingue

Il en dé­coule qu’il se­rait très utile que mé­de­cins e psy­cho­logues tra­vaillent cote a cote. 

Avec cette at­ti­tude men­tale, celui qui s’oc­cupe de la psy­chè est sensé dé­ve­lop­per une cu­rio­si­té en­vers la dé­pres­sion qui re­pré­sente une ac­ti­vi­té aug­men­tée du sys­tème sym­pa­thique par rap­port à l’ac­tion cal­mante du pa­ra­sym­pa­thique et, par consé­quent, une ré­duc­tion, une va­ria­bi­li­té de la fré­quence car­diaque, avec la pos­si­bi­li­té que le cœur tombe ma­lade. De plus, cela si­gni­fie la li­bé­ra­tion de sub­stances in­flam­ma­toires, les cy­to­kines, outre que la pro­téine C ré­ac­tive, prin­ci­pal in­dice in­flam­ma­toire san­guin; cela si­gni­fie une coa­gu­la­tion san­guine ac­cen­tuée, et un risque de throm­bose; cela si­gni­fie aussi une al­té­ra­tion du cir­cuit de la sé­ro­to­nine, mo­lé­cule aux mul­tiples fa­cettes, cru­ciale pour de nom­breuses fonc­tions du corps, en­traî­nant des lé­sions de pa­rois des vais­seaux san­guins, no­tam­ment des ar­tères co­ro­naires. 

Tout cela est un théâtre de la cor­po­ra­li­té, une mé­ta­pho­rique de la chose éten­due, qui per­met éga­le­ment de rêver le pa­tient d'une autre ma­nière.

Ap­pe­ler l'in­cons­cient - l'exis­tant - ne si­gni­fie pas re­trou­ver son sta­tut d'être, si in­con­sis­tant, si éva­nes­cent sur le plan on­tique, mais cela si­gni­fie le re­trou­ver sur le plan éthique. 

Freud dit de l’in­cons­cient: au-​delà de tout, il faut y aller. 

En fait, quelque part, ou mieux, dans un autre es­pace, ni psy­chique ni or­ga­nique, l’in­cons­cient ré­ap­pa­raît tou­jours, il ne peut pas être éludé. Ce n’est pas un ordre, il n’a rien de l’ordre sym­bo­lique, nous pou­vons le dé­fi­nir comme le lieu du chan­ge­ment conti­nu, de l’in­fi­ni, en­ten­du comme li­mite, dont j’es­saye de dé­crire l’his­toire en psy­cha­na­lyse.

Bion est le grand psy­cha­na­lyste qui, à un mo­ment de la vie, tente de chan­ger les choses, se dé­tache de l'idée que l'In­cons­cient et ses dé­ri­vés peuvent être ré­duits à un sa­voir et in­tro­duit le doute ab­so­lu, le signe 'O': "[...] Les faits "en eux-​mêmes" [ab­so­lus] de la ses­sion.  Quels sont ces faits "en soi" [ab­so­lus] vous ne le sau­rez ja­mais, alors je les iden­ti­fie avec le signe O".

C'est le chilien Matte Blanco qui identifie dans l'infini, lié à l'inconscient, le cœur même de la psychanalyse: la dialectique freudienne entre inconscient et conscience se transforme en une dialectique entre l'infini de l'inconscient et les limites finies de la conscience humaine. L'inconscient ainsi conçu implique le dépassement d'un seul "infini" et introduit l'idée d'infinis d'ordre différent. L'inconscient structurel est une manière d'être fondamentalement symétrique (tout est assimilé à tout le reste, il n'y a pas de contradictions): «c'est une émotion et elle est exprimée en une intensité, qui tend vers des valeurs infinies, même si en surface elle semble apprivoisée» 

C'est sur­tout Lacan qui change com­plè­te­ment le pa­ra­digme à un mo­ment donné, lors de ses der­niers sé­mi­naires : l'in­cons­cient ne fonc­tionne plus comme un lan­gage, mais il est ce qui ne fonc­tionne pas du tout, ce qui ne peut pas être ré­duit à un sa­voir. 

Au-​devant de la scène n’est plus le sym­bo­lique, mais le Réel, l’im­pos­sible qui ne peut ja­mais être at­teint : il donne des traces, mais des traces qui "non seule­ment s’an­nulent, mais que tout usage du dis­cours tend à an­nu­ler, le dis­cours ana­ly­tique comme les autres". 

Lacan sou­ligne avec force que son Réel n'a rien à voir ni avec le corps bio­lo­gique, réel, concret pour ainsi dire, ni avec ce qui est pris de la réa­li­té pour fon­der la science. 

Il dit: «Qui sait ce qui se passe dans notre corps? C'est quelque chose d'ex­tra­or­di­nai­re­ment sug­ges­tif. Pour cer­tains, c'est même le sens qu'ils donnent à l'in­cons­cient...

"L'in­cons­cient, ce sont les pro­ces­sus so­ma­tiques", ex­plique Freud dans le Com­pen­dium. Com­prendre par "pro­ces­sus so­ma­tiques" ce qui n’est pas écrit ni peut pas l’être par au­cune écri­ture ni par au­cune science, l’ob­jet uni­ver­sel et sin­gu­lier, l’ir­re­pré­sen­table, le vide consti­tu­tif sans le­quel il n’y au­rait pas de pen­sée. Nous pen­sons, jus­te­ment, parce que l'im­pen­sable (le vé­ri­table in­cons­cient) existe, ce qui ne peut ja­mais être tra­duit en re­pré­sen­ta­tion. Pour finir, à la vé­ri­té ul­time, nous n'ar­ri­ve­rons ja­mais. 

L'in­cons­cient de la psy­cha­na­lyse n'est pas l'in­cons­cient des neu­ros­ciences! 

Nous sau­ve­gar­dons les spé­ci­fi­ci­tés de chaque lan­gage, tout en ap­pre­nant à les im­bri­quer, comme nous le voyons dans les cas cli­niques du livre.

Quel sens peut prendre à ce point le terme psy­cho­so­ma­tique, avec tout son vaste monde de re­cherches, de for­mu­la­tions théo­riques et d'ap­pli­ca­tions cli­niques (qui tou­te­fois doivent être connues à fond!), du mo­ment que ce terme et ce monde sont nés et ont gran­di à l'in­té­rieur du pro­blème corps-​esprit avec son pé­ri­mètre concep­tuel? 

Si la ques­tion n'est plus celle de ré­soudre le gap entre l'es­prit et le corps, est-​il tou­jours cor­rect de par­ler de psy­cho­so­ma­tique?

Il a été dit que lorsque nous sor­tons de la pen­sée com­mune, qui consi­dère un de­dans (psy­ché) et en un de­hors (corps) comme 'cho­ses' pré­éta­blies, et que nous en­trons dans la lo­gique chias­ma­tique, nous com­pre­nons que le dif­fé­ré (c’est à dire, l'ex­té­rieur et l’in­té­rieur) ne sont pas des choses, mais res­sortent du lan­gage ou mieux de sa faille. 

Ils prennent leur rythme à par­tir de leur ré­ci­pro­ci­té et de leur al­ter­nance, en se par­ta­geant le de­dans et le de­hors (l’in­té­rieur et l'ex­té­rieur), et vice versa. 

Il n'y a pas une ori­gine et une des­ti­na­tion; il y a une os­cil­la­tion, une vi­bra­tion, un croi­se­ment, qui ne se pro­duit pas entre lieux pré­con­çus et qui amène conti­nuel­le­ment l'ex­té­rieur (l'en­vi­ron­ne­ment, le corps) à s'in­té­rio­ri­ser (dans l'es­prit) et in­ver­se­ment. Si on le pense de cette façon, ‘ex­té­rieur et l’in­té­rieur cessent d’être «res» ou 

«sub­stan­tia» pour de­ve­nir des mou­ve­ments ima­gi­nés avec notre dis­cours. 

A la lu­mière de cette pen­sée, quel sens peuvent avoir les don­nées des re­cherches scien­ti­fiques à pro­pos des chan­ge­ments struc­tu­rels et fonc­tion­nels in­duits par les re­la­tions (l'en­vi­ron­ne­ment, l'ex­té­rieur) sur le sys­tème ner­veux, en par­ti­cu­lier et plus en gé­né­ral sur le sys­tème neuro-​immuno-endocrinien et donc sur le corps en­tier, (l'in­té­rieur)?

En ce sens, que signifiera-​t-il à l'ave­nir af­fir­mer que l'ex­té­rieur in­fluence l’in­té­rieur

On pour­rait ob­jec­ter: com­ment peut-​on re­non­cer à l'idéal de la connais­sance ob­jec­tive des choses dis­tinctes (in­terne/ex­terne, es­prit/corps...), dans un monde "par­fai­te­ment ob­jec­tif"?

Il ne s’agit pas de jeter à la mer les re­cherches scien­ti­fiques faites jus­qu’à nos jours, mais de se poser la ques­tion: pour­quoi, dans les re­cherches ac­tuelles, la fi­gure du cher­cheur a-​t-elle été ou­bliée? Il faut qu’il soit ré­in­té­gré dans la re­cherche scien­ti­fique, ce qui re­met­trait en cause toute la pers­pec­tive ma­té­ria­liste, mé­ta­phy­sique. Il fau­drait ac­cor­der une im­por­tance dif­fé­rente au sujet qui ob­serve. Les dif­fé­rences entre la po­si­tion mé­ta­phy­sique et celle épis­té­mo­lo­gique (que dans ce cas j’ap­pel­le­rais vo­lon­tiers «épis­té­mon­to­lo­gique» en em­prun­tant la "nou­velle on­to­lo­gie" de M.M. Ponty) sont énormes. 

Ces der­nières an­nées, par exemple, nous avons reçu une marée d’études sur la na­ture de la conscience: dans aucun de ces études on ne tient vrai­ment compte de cer­tains fac­teurs fon­da­men­taux comme la lu­ci­di­té, la pré­sence in­trin­sèque du sujet qui per­çoit et ef­fec­tue la re­cherche, ses théo­ries, ses états d’âme, ses pro­jec­tions in­évi­tables. 

Le pre­mier pas de­vrait être celui d’éla­bo­rer les pra­tiques ex­pé­ri­men­tales ex­por­tables dans dif­fé­rents contextes (les pra­tiques qui nous ar­rivent de la phy­sique quan­tique par exemple?), avec le défi de com­prendre com­ment de telles pra­tiques peuvent chan­ger la na­ture du débat sur la mé­thode scien­ti­fique, tout en ap­pré­ciant leur in­fluence sur une éven­tuelle ré­vo­lu­tion scien­ti­fique.

Nous dis­po­sons d’in­for­ma­tions qui sont for­cé­ment tou­jours in­com­plètes, parce que à la vé­ri­té comme nous l’avons consta­tée, nous ne pou­vons ja­mais ar­ri­ver. À la base de toute connais­sance, il y a l'in­cons­cient, com­pris comme un objet in­fi­ni, une li­mite, un vide consti­tu­tif, sans le­quel nous ne pour­rions pas pen­ser et donc nous ne pour­rions pas en­tre­prendre de re­cherche.

Nous avons tou­jours de nou­veaux ou­tils, qui nous per­mettent de per­ce­voir de nou­velles images et de construire pro­gres­si­ve­ment de nou­veaux mo­dèles théo­riques.  

Nous lut­tons tout le temps pour com­prendre les choses. Ima­gi­nons sim­ple­ment com­bien de re­pré­sen­ta­tions de l’In­cons­cient ont été construites au fil du temps. 

On a cher­ché de mon­trer com­ment nous de­vons à chaque fois re­par­tir du début en re­par­cou­rant toute l’his­toire pour in­ter­pré­ter les «choses», dans un ef­fort avant tout gé­néa­lo­gique. 

Entre autres, nous sommes obli­gés à pen­ser en termes in­ha­bi­tuels aux choses im­pos­sibles à voir, qu’on ap­pelle in­ter­con­nexions, flux, dy­na­miques, trans­for­ma­tions, mou­ve­ments. 

En fai­sant cet ef­fort, la com­pré­hen­sion des si­tua­tions change. 

Change par exemple la com­pré­hen­sion d'être de­dans (à l’in­té­rieur) et d'être de­hors (à l’ex­té­rieur). 

Il de­vient dif­fi­cile d’ex­pli­quer par des mots que l'in­té­rieur et l'ex­té­rieur sont juste des si­tua­tions dans un mou­ve­ment conti­nuel créé par la pen­sée et par le lan­gage. Mais si nous es­sayons de le do­cu­men­ter par les images, en nous ima­gi­nant pla­cés sur une fron­tière mo­bile, comme la bande de Möbius, qui s'en­roule, se dé­roule et se re­trousse, dans un mou­ve­ment sans fin, l’ex­té­rieur et l’in­té­rieur dis­pa­raissent. Le corps et l'es­prit de­viennent ex­clu­si­ve­ment fa­çons de nom­mer la po­si­tion tou­jours mo­bile dans la­quelle on se trouve à un cer­tain mo­ment. 

En aucun cas nous ar­ri­vons à pla­cer des li­mites pour dire: ça c’est de­dans, c’est men­tal et ça c’est ex­té­rieur, c’est cor­po­rel, et ça en­core c’est l’en­vi­ron­ne­ment....  

pour enfin nous convaincre que nous avons réus­si à construire un pont entre les deux (ou les trois). 

Nous en­tre­voyons la sor­tie de cette im­passe lorsque nous com­men­çons à res­sen­tir et à pen­ser en termes d’une nou­velle ar­chi­tec­ture de l’être, sou­mise à une mé­ta­mor­phose et à une ré­ver­si­bi­li­té conti­nue. 

Il ne nous est pas per­mis d'or­ga­ni­ser et de conso­li­der a’ ja­mais. 

Pour re­ve­nir à Freud, du­quel nous sommes par­tis, nous de­vons tou­jours gar­der à l’es­prit qu’il n’y a pas d’in­té­rieur avant que l’or­ga­nisme ne se consti­tue en tant que seuil sen­sible (le fa­meux seuil PC-​perception/conscience). "Monde phy­sique (ex­terne)" et "ap­pa­reil psy­chique" (in­terne) sont donc des no­tions, des pro­duits ou des for­ma­tions "psy­chiques", au sens d'ob­jets qui n'existent pas vrai­ment ou, mieux, n'existent qu’en tant que concept étroi­te­ment relié au lan­gage. Le seuil est un concept qui fait al­lu­sion à quelque chose de mo­bile, à une li­mite, à un sup­port élas­tique en os­cil­la­tion qui re­çoit et qui ef­face... 


[1] The essay was born wi­thin a long wor­king group at the Cen­tro Mi­la­nese di Psi­coa­na­li­si Ce­sare Mu­sat­ti. It avails it­self of Vi­via­na Ma­ri­bel Ram­pon’s contri­bu­tions (gra­phic and the part on ‘cau­ses’), who is also res­pon­sible for all on­line or­ga­ni­za­tio­nal as­pects. The edi­ting is by Clau­dio Cas­sar­do; the En­glish trans­la­tion is by Oli­via Mar­chese.

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